Visite à l’Ecole Supérieure de Formation Pédagogique d’Akamasoa

Cela faisait déjà plusieurs mois que les élèves de 1ère et 2e année, ainsi que leurs professeurs, m’avaient invité à dialoguer avec eux, à passer une demi matinée à parler à bâtons rompus.Père Pedro, école, éducation à AkamasoaNotre Ecole Supérieure de Formation Pédagogique, construite et inaugurée en 2013, compte aujourd’hui 63 élèves en 1ère année et 52 élèves en 2e année, soit au total : 115 élèves, qu’encadrent 7 professeurs hommes, et 7 professeurs femmes, parmi lesquels 3 professeurs français bénévoles, et 3 personnes qui travaillent aussi à l’administration.

Cette Ecole entame sa troisième année et on voit déjà augmenter le nombre d’étudiants, dont plus de la moitié vient d’en dehors d’Akamasoa et de plusieurs régions de l’île. Cela correspondait à notre orientation : nous avons voulu dès le début ouvrir cette Ecole de Pédagogie à tous ceux qui aiment l’éducation et qui veulent former les enfants et les jeunes malagasy.Père Pedro, école, éducation à Akamasoa

Ce 3 mai, nous nous sommes réunis au dernier étage du bâtiment, où se trouve une grande salle de fête, et où se déroulent habituellement les soutenances de fin de 2e année.

Disposés en demi-cercle, les 115 élèves m’ont reçu et accueilli, après que Mme Monique la directrice de l’Ecole m’eut souhaité la bienvenue.

Préalablement ils m’avaient fait parvenir 41 questions, de tout genre, dont voici un échantillon :

Depuis combien de temps êtes-vous à Madagascar ?

Pourquoi avez-vous choisi Madagascar et pas un autre pays ?

Est-ce que vous avez étudié la langue malagasy ?

Est-ce que vous voyez une amélioration dans les villages d’Akamasoa, au niveau de l’entraide et de la solidarité entre les familles pauvres ?

Avez-vous toujours eu la vocation de prêtre ?

Pourquoi avez-vous créé l’association Akamasoa ?

Est-ce que l’association travaille seulement dans la province d’Antananarivo, ou aussi dans l’intérieur du pays ?

Quelle a été votre première impression en voyant la pauvreté à Madagascar, surtout les enfants ?

Puisque tout le monde doit mourir, croyez-vous qu’Akamasoa sera toujours pareil ?

A votre avis, est-il possible qu’une des personnes que vous avez aidée, soit en mesure de vous remplacer ?

Est-ce que durant 27 ans d’Akamasoa, vous avez vu une évolution ?

Comment voyez-vous les jeunes d’Akamasoa : y a-t-il un espoir pour qu’ils prennent la relève un jour ?

Père Pedro, école, éducation à Akamasoa

Seriez-vous prêt à ouvrir un compte Facebook pour vous mettre en relation avec les jeunes de Madagascar et de l’extérieur ?

Pourquoi êtes-vous entré dans la congrégation de Saint Vincent de Paul ?

Avez-vous pensé qu’un jour le peuple d’Akamasoa prierait si nombreux ?

Qu’est-ce qui vous a décidé à laisser votre famille et à partir si loin, à Madagascar ?

Aviez-vous déjà senti dans votre jeunesse cet appel à l’amour, à l’humilité et au service ?

Il y a encore beaucoup de gens qui ne regardent que leur propre profit et bénéfice ; devant cet égoïsme, quelle attitude prenez-vous ?

Qu’est-ce qui vous décourage encore dans l’association Akamasoa ?

Pourquoi les jeunes, à tous les niveaux, n’osent pas vivre l’éducation et les valeurs qu’ils ont reçues ?

Est-ce un malagasy ou un expatrié qui vous remplacera un jour ?

Pourquoi avoir laissé Vangaindrano et être venu à Antananarivo ?

Et pourquoi la plus grande partie de vos coéquipiers sont des femmes ?

Autant de questions que j’ai prises dans leur ensemble, et auxquelles j’ai essayé de répondre pendant 2h de temps avec les étudiants et les professeurs.

J’ai tout de suite été très impressionné par la joie avec laquelle ces élèves m’ont accueilli. D’emblée, j’ai vu qu’ils étaient intéressés d’écouter et de recevoir.

Père Pedro, école, éducation à Akamasoa

En ayant face à soi des jeunes qui manifestent des sourires dans leurs yeux, des visages heureux, et qui sont bien dans leur peau, c’est certain qu’on n’a pas vu passer ces 2h de temps ensemble ! J’ai constaté qu’il y avait là une soif d’apprendre l’histoire d’Akamasoa, les besoins actuels,… et surtout quelle solution miracle je pourrais inventer aux problèmes d’aujourd’hui !

A tout moment je voulais faire comprendre aux jeunes que rien n’est hors du commun dans ce qu’on fait, rien d’extraordinaire. Tout est basé sur l’amour, sur le sérieux du travail, l’effort et la responsabilité. Et avec cet amour, cette persévérance et cet esprit de responsabilité, des miracles peuvent se réaliser au quotidien.

Je les ai aussi beaucoup encouragés à aimer ce métier d’enseignant et d’éducateur, ce métier tellement formidable, qui consiste à aider les jeunes, à leur faire découvrir leurs propres richesses, leurs propres talents, et les mettre au service de la communauté. Combien ce rôle est important aujourd’hui, avec les jeunes actuels, parfois tellement désorientés, déboussolés dans les technologies et le monde du profit où ce qui est important, c’est le résultat, qui plus est immédiat.

Nous sommes persuadés à Akamasoa qu’il y aussi la place pour créer un oasis où les gens sont heureux de vivre ensemble, s’entraider, se respecter et s’aimer, et créer une ville où le respect des personnes, des biens et l’esprit de service soient les piliers du vivre ensemble.Père Pedro, école, éducation à Akamasoa

Le profit ne peut être la seule force qui fait avancer le progrès. Il y a aussi le savoir vivre ensemble, être heureux ensemble, même si on vit de façon plus sobre, plus simple.

J’ai aussi encouragé ces étudiants à accepter d’aller dans la campagne, au bout de Madagascar, car là aussi il y a des jeunes qui ont soif de progrès, d’évoluer dans la vie. Et les futurs éducateurs doivent accepter d’aller au bout de l’île, même là où il n’y a pas beaucoup de route, des conditions de vie rudimentaires. Car là aussi on trouvera des personnes qui ont du cœur, un esprit, des personnes qui aiment leurs enfants et leur terre. Et là aussi il faut faire évoluer et progresser les frères et sœurs de cette région.

Je les ai encouragés à baser tous leurs efforts dans cet amour que Dieu nous a donné à travers l’Evangile et les Ecritures, et par l’exemple de Jésus de Nazareth, l’homme que j’ai suivi moi-même à partir de l’âge de 15-16 ans et qui m’a poussé à aller jusqu’au bout du monde, à vivre cet esprit de fraternité et d’entraide entre les personnes, les peuples et les nations.Père Pedro, école, éducation à Akamasoa

Notre discussion s’est ouverte et terminée par un chant. J’ai donné la bénédiction, en les encourageant à continuer de lutter dans la vie, avec cet esprit de joie et de service que je voyais dans leur regard et leur visage.

J’ai remercié Mme Monique qui gère l’Ecole Supérieure de Formation Pédagogique avec beaucoup d’amour, de respect, sérieux et solidarité. De même tout le corps de professeurs, qui ont beaucoup d’expérience, sont très proches des étudiants et au sein duquel règne une très bonne entente. On sent que c’est une Ecole Supérieure où tous ont envie de donner le meilleur : les professeurs à leurs étudiants, et ces derniers qui veulent profiter de leur temps d’études afin de s’enrichir le plus possible de l’expérience de leurs professeurs aînés.

C’est vrai, une institution marche quand l’exemple est donné d’en haut. L’opposé de ce qu’on voit actuellement au niveau de l’état actuel de la Nation.

A la fin nous avons fait une photo ensemble devant les escaliers du beau bâtiment de l’école pédagogique.

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