Le Père Pedro Opeka

Enfance
Pedro Pablo Opeka, est né le 29 juin 1948 à San Martin, une province de Buenos Aires, de parents réfugiés Slovènes.

À la fin de la seconde guerre mondiale, son père, Luis, connu pour ses convictions chrétiennes, est arrêté et condamné à mort par les partisans communistes du maréchal Tito. Mais, en juin 1945, il échappe à la mort, en étant le seul rescapé d’une tuerie où ont péri des milliers de personnes. Il décide de fuir son pays, la Yougoslavie. Dans un camp de réfugiés en Italie, il rencontre et se marie avec Maria Marolt. Le 31 décembre 1947, ils embarquent à Naples pour l’Argentine.

Pedro Opeka apprend très tôt les métiers du bâtiment, en aidant son père, devenu maçon en arrivant en Argentine. Il joue aussi beaucoup au football, comme tous les jeunes Argentins et veut devenir professionnel.

Après son baccalauréat, Pedro Opeka quitte Buenos Aires pour passer l’été dans un coin reculé de l’Argentine, dans la Cordillière des Andes, avec les Indiens mapuches. Accompagné d’un groupe d’étudiants catholiques, il souhaite créer une maison type, dont les villageois pourraient s’inspirer. Ils construisent alors une première maison avec deux élèves architectes. Cette expérience, suivie d’une deuxième l’année suivante dans la tribu de Matacos, près de la frontière bolivienne, approfondissent sa vocation et l’affermissent dans son choix de se consacrer aux plus pauvres et à Dieu.

Formation
Après ces expériences pastorales et sociales, il décide, le 6 mars 1966, de rentrer au noviciat pour devenir prêtre et entame, à dix-sept ans, le séminaire chez les Pères Lazaristes (ordre fondé en 1625 par saint Vincent de Paul). Il commence à étudier la philosophie et la théologie au Colegio Máximo de San Miguel (banlieue de Buenos Aires), en 1968, au même moment où le futur Pape François, dans la même faculté, achève ses études en théologie.

Le 20 août 1968, à vingt ans, le jeune homme quitte l’Argentine pour aller approfondir sa formation à l’Université de Ljubljana, en Slovénie, la terre originelle de ses parents.

Il part pour la première fois à Madagascar le 26 octobre 1970, afin d’être maçon dans la paroisse de Vangaindrano (Sud-Est de l’île). Il travaille aussi aux côtés des paysans malgaches et crée des groupes de villageois et de jeunes, pour les aider à réfléchir ensemble, bâtir des projets communs et à prendre en main leur futur.

Pedro Opeka acquiert la conviction qu’il sera missionnaire et continue ses études de théologie à partir de 1972, durant 3 années en France, à l’Institut catholique de Paris. Il rencontre la Communauté œcuménique de Taizé, près de Cluny. Ses études terminées, il voyage en Israël, en Russie et aux Etats-Unis (New York).

Le 19 mars 1975, il prononce ses vœux de missionnaire dans l’église Lazariste de la rue de Sèvres à Paris, épousant ainsi la cause de Saint Vincent-De-Paul en vouant sa vie au service des plus démunis. Puis, le 29 juin de la même année, il est ordonné diacre dans la cathédrale de Ljubljana.
Le 28 septembre 1975, à 27 ans, il est ordonné prêtre au sanctuaire national de Notre Dame de Lujan, en Argentine.

Madagascar
En janvier 1976, le Père Pedro repart à Madagascar pour être curé de la Paroisse de Vangaindrano. Pendant 13 ans, il vivra avec ces paysans pauvres du Sud-Est de la Grande Ile, mettant en pratique l’exemple de Jésus et de sa fraternité évangélique, c’est-à-dire oeuvrant au service des autres. Avec quelques prêtres, il va travailler dans les rizières, au côté des paysans, montrant ainsi qu’aucun travail n’est indigne. En même temps que cet enthousiasme d’une vie parmi les plus pauvres à l’exemple du Christ, il découvre une population qui survit la faim au ventre et dont les enfants meurent au quotidien. Face à ces morts et ces maladies qui frappent des familles résignées qui s’en remettent à la Providence, il se révolte très vite et tente de les persuader qu’il n’y a rien dans cette mort de l’oeuvre de Dieu.

Partageant les conditions de vie de ces paysans, il tombe lui aussi plusieurs fois malade, mais peut heureusement se faire soigner.

Après 13 ans de cette vie, affaibli et excédé de voir tant de gens parmi les plus pauvres martyrisés par la mort, il pense demander une année sabbatique, pour récupérer des forces ; mais ses frères de la Congrégation l’appellent à Antananarivo pour devenir directeur du Scolasticat de Saint Vincent de Paul, et former les séminaristes. C’est là qu’il trouvera la mission que la Providence lui a réservée.

AKAMASOA
Une semaine après son arrivée dans la capitale, en mars1989, alors qu’il rend visite à des malades dans la banlieue, il découvre la décharge de la ville. Là, il tombe nez à nez avec un millier d’enfants et de parents qui vivent sur une montagne de déchets et se disputent leur nourriture parmi les chiens et les cochons. Au même instant où il est confronté à cette image apocalyptique de la déchéance de l’être humain dans l’extrême pauvreté, il se dit une chose, c’est qu’ici il n’a pas le droit de parler, il faut agir. Sans qu’il sache quoi faire précisément, il est déterminé à revenir sur cet enfer pour en faire sortir les familles et surtout les enfants qui y vivent.

Il retourne dès lors quotidiennement sur la décharge, rencontre les personnes qui y vivent et leurs représentants. Ces hommes et femmes déjà exclus plusieurs fois, rejetés à l’écart de la ville et de la communauté humaine, il sait que pour gagner leur confiance, il ne faut pas les abandonner une nouvelle fois. Il se présente, leur disant qu’il est prêtre, et que s’ils aiment leurs enfants, il faut faire quelque chose pour leur donner un avenir digne d’un être humain. Ce n’est qu’après six mois de longues discussions, et des visites quotidiennes, qu’il réussit à convaincre 70 familles de quitter la décharge pour créer un nouveau village sur une terre à 60 km de la ville, vers la route de Mahajunga, mise à sa disposition par les autorités. Ce sera Antolojanahary, le premier village, dont le nom signifie « don de Dieu ».

Pour officialiser juridiquement cette action déjà entamée en faveur des démunis, le Père Pedro fonde, en janvier 1990, avec une douzaine de jeunes malgaches venus à ses côtés sur la décharge, une Association Humanitaire du nom d’Akamasoa (« les bons amis » en malgache). Plus qu’une institution, c’est un Mouvement de solidarité pour venir en aide aux plus pauvres des pauvres.

Akamasoa vise à redonner une dignité humaine aux familles que l’extrême pauvreté avait forcé à vivre dans des conditions inhumaines. Le Père Pedro est convaincu que cette dignité peut être retrouvée, pour peu qu’existent des structures et un environnement humain et spirituel qui permettent à la personne de se reconstruire. Autrement dit : un logement, une école pour scolariser les enfants, un travail rémunéré.

Au travers de ces structures, mais d’abord avec beaucoup de passion et de foi en l’homme, Akamasoa cherche à aider la personne sans l’assister, mais en lui donnant les moyens de gagner son autonomie et de construire son avenir. Les familles et le Père Pedro construisent ensemble les maisons, montent les premières salles de classe, instaurent des règles de vie communautaire (Dina). Les premières maisons sont en bois ; la première classe ne rassemble que quelques enfants. Mais dès les premiers mois, des changements s’opèrent dans les personnes, les gens de la rue commençent à s’apaiser, les insultes cessent, les bagarres diminuent ; des signes apparaissent qui montrent que la bonne direction a été prise.

Aujourd’hui
En octobre 2014, l’Association Akamasoa a fêté ses 25 ans d’existence. 25 ans de combat permanent et de lutte contre la pauvreté qui sévit dans le pays, mais aussi 25 ans d’amour pour tout un peuple d’exclus.

En un quart de siècle, Akamasoa est venue en aide à plus de 500.000 malgaches, donnant une aide temporaire d’urgence à toutes les familles démunies qui se sont présentées à son Centre d’Accueil : un repas, des soins, des vêtements et des couvertures, du savon. Pour la seule année 2014, 38.000 personnes sont passées par ce Centre ! soit environ 70 familles par jour qui, ayant reçu une assistance ponctuelle, repartent ensuite dans leurs familles qui vivent très pauvrement.
25.000 personnes habitent dans les 18 villages construits par l’Association ; au total, ce sont plus de 3.000 maisons qui ont été construites, mais aussi des écoles, des dispensaires, et des structures sportives dans chaque village Akamasoa.

12.160 enfants sont scolarisés dans ses écoles et 517 collaborateurs malgaches oeuvrent avec le Père ; et périodiquement sont acceptés des jeunes d’Europe ou d’ailleurs pour un travail bénévole et précis pour manifester l’universalité de notre Mouvement Humanitaire.

L’Association assure aussi un salaire à 3145 personnes (carrières, maçonnerie, artisanat, santé, professeurs, cantines, personnel d’entretien des villages). Mais en fait ces ouvriers construisent leur propre ville, et on peut appeler aujourd’hui Akamasoa : « la ville bâtie par les pauvres eux-mêmes ».

Et chaque dimanche matin, 7 à 8000 enfants, jeunes et adultes célèbrent ensemble l’Eucharistie dans le stade couvert qui sert d’église à Akamasoa, sur la colline de Manantenasoa. Deux guides touristiques, le Routard et Lonely Planet, encouragent les touristes de passage à Antananarivo de ne pas rater et de venir participer à cette messe où l’on fête l’amour de Dieu avec des milliers d’enfants qui chantent à tue-tête et dansent les danses folkloriques malgaches pour louer Dieu. Tous les dimanche, des dizaines de touristes de plusieurs pays assistent à cette prière unique, attirante et qui fait chaud au coeur. Plusieurs d’entre eux ont affirmé être partis de Madagascar remplis d’espérance pour le pays, après avoir vu cette jeunesse malgache qui prie, chante et danse la Vie, don de Dieu.

Une reconnaissance internationale
Le père Pedro se bat pour autofinancer une grande partie de son Association. Akamasoa, en effet, bien que Reconnue d’Utilité Publique par l’Etat malgache en 2004, ne bénéficie que ponctuellement d’une aide matérielle de l’Etat, et d’aucun financement par de grands organismes internationaux. Au jour le jour, l’Association vit et continue son travail grâce aux dons des personnes de bonne volonté que le père a su mobiliser et rendre sensibles à son combat, des personnes de tous les pays et à la rencontre desquelles il repart trois fois par an, à travers des conférences dans le monde entier.

Coauteur de deux livres avec l’Abbé Pierre, le Père Pedro est régulièrement interrogé par la presse malgache et internationale. Des reportages sur son action sont fréquemment diffusés sur diverses chaînes de la télévision française et dans d’autres pays d’Europe. Des livres lui sont consacrés.

Il a figuré, en 2011, 2013 et 2015, sur la liste des nominations pour le Prix Nobel de la paix, avec le soutien des gouvernements de Slovénie et de Madagascar, ainsi que de parlementaires français, malgaches, de l’Union Européenne, ainsi que d’associations et organismes canadien, argentin, australien et monégasque.

Plusieurs centaines de membres actifs soutiennent régulièrement le père Pedro à travers de nombreuses associations en Europe (France, Monaco, Italie, Slovénie, Allemagne, Autriche), en Amérique du Nord (États-Unis), Amérique du Sud (Argentine) et Océanie (Australie). Mais par rapport aux milliers de personnes que l’Association aide, et au regard des travaux colossaux qu’il faut accomplir chaque année, les aides doivent être cherchées avec beaucoup d’acharnement.

Distinctions et décorations

Distinctions
Croix du Grand Officier de l’Ordre National Malgache, en 2014.
Commandeur de l’Ordre National Malgache en 2010.
Insigne d’or de l’Ordre du Mérite de la République Slovène en 2009.
Plaque de la Solidarité du Ministère des Affaires étrangères et du Culte de la République d’Argentine, 2009.
Chevalier de la Légion d’honneur, par le Président français, en 2007.
Officier de l’Ordre National du Mérite, par le Président français, en 1998.
Chevalier de l’Ordre National malgache, en 1996.

Récompenses
Prix « Spirit of Service » de la St. John’s University de New York en 2015.
Prix « Fetullah Gülen », en 2015, par l’Institut Ravinala de Madagascar.
« Prix de la Tolérance », par le président de l’Académie Européenne des Sciences et des Arts, en Slovénie, en 2013.
Médaille d’or de la Ligue Universelle du Bien Public, à Paris, en 2012.
Prix d’Honneur 2011 de l’Association Kiwanis d’Autriche.
2e rang dans le Top Ten des 10 personnes de l’année 2011, par le Vatican.
Prix « Cyrille et Méthode » en Slovénie, par le Conseil des évêques, en 2008.
Titre et Médaille « Paul Harris Fellow », par le Rotary International à Paris, en 2008.
Prix « Mundo Negro de la Fraternidad » à Madrid, en 2008.
Prix « Cardinal Van Thuân » en 2008, par la Fondation San Mateo au Vatican, lors d’une réception organisée par le Conseil pontifical Justice et Paix. Cette nomination a été saluée par le pape Benoît XVI.
Prix du « Service Mondial 2005 » de la Fondation Kiwanis.
Prix « Cuore Amico » (Ami du coeur) 2003. Ce prix est remis chaque année à des figures exemplaires de missionnaires dans le but de mettre en évidence la grande œuvre opérée par l’Eglise.
« First Humanitarian Award » en 2001 par l’Association Habitat for Humanity International.
Prix du Missionnaire de l’Année 2000, en Italie, par l’Association CUORE AMICO.
Prix « Le Juste d’Or » pour l’année 2000, par la Comission des Justes d’Or à Marseille.
« Homme de l’année » 1997, pour les Oeuvres sociales, par la Revue de l’Océan Indien.
Prix de « l’Oiseau d’Or » en Slovénie en 1996 pour les Actions Humanitaires.